Au retour d'un voyage dans les confins de l'Europe de l'Est, j'ai envie de partager mes réflexions. Qui sont, je le précise, le fruit de mes propres observations, ne représentent que mon opinion personnelle. Le but est de parler de ce que j'ai en tête après ce que j'ai vu dans ces musées vivants que sont la Hongrie et la Serbie, pas de faire une déclaration politique. Je ne prétends pas non plus être une référence en terme de communisme, mais comme l'époque communiste en Europe me passionne, j'ai lu beaucoup sur le sujets, j'ai écouté des documentaires, j'ai questionné des gens qui l'ont directement vécu. Et je précise aussi que ce n'est pas la doctrine communiste en tant que telle qui me passionne, mais le quotidien des gens qui l'ont subi.
Cet article ne se veut pas non plus une explication du communisme en Europe, puisque je trouve que je ne maîtrise pas encore assez le sujet pour en parler autant. Mais j'aimerais beaucoup le faire éventuellement, quand j'aurai complété beaucoup d'autres lectures, parce que je trouve que c'est un sujet très intéressant et important, mais encore trop peu connu, donc qui mérite d'être partagé.
Le but de l'article est simplement de dresser un parallèle entre le ballet et le communisme, puisque j'ai remarqué plusieurs liens entre les deux. Comme j'ai vécu et voyagé depuis plusieurs mois dans des ex-pays communistes et que je vis du ballet, je suis quand même bien placée pour le faire. Attention, je ne dis pas que ce que je vis dans le ballet est du même calibre que ce que les habitants ont vécu sous le joug communiste!!
Juste pour quand même mettre en contexte rapidement, le communisme est l'idéal décrit par Marx et Lénine sur la façon dont devrait fonctionner optimalement une société. Dans les faits, c'est plutôt le socialisme qui était appliqué, une étape vers le communisme, puisque celui-ci était trop utopique pour être appliqué parfaitement. Après la 2e Guerre Mondiale, l'armée Soviétique a libéré les pays de l'Est des Nazis, pour ensuite instaurer un gouvernement communisme dans tous ces pays, séparés du reste de l'Europe par le Rideau de Fer (et le mur de Berlin). Ça a donc duré de la fin des années 1940 jusqu'à 1989. Sur papier, c'était bien, mais en réalité ça a vraiment «floppé». Ça a éventuellement mené à un ralentissement économique, les gens n'étaient pas libres, avaient des conditions de vie difficiles, et étaient contrôlés par des lois et des gens aux principes très discutables. Camps de travail, sentences de prison pour ne serait-ce qu'une blague, stérilisation forcée pour certaines, avortement interdit pour d'autres, tortures, police secrète... Les gens étaient les propriétés de l'État, ce qui est horrible. Et les danseurs sont les instruments de l'art, ce qui est beau... mais implique quand même une notion de propriété, disons volontaire et moindre, et sans grave danger.
À force de me documenter sur le communisme, j'ai trouvé des échos dans ma vie de danseuse professionnelle, assez pour me demander si les compagnies de ballet d'Europe de l'Est ne sont pas les derniers relents involontaires de cette époque pas si lointaine...
L'obéissance absolue
La carrière de danseur se décide dès l'enfance. Les élèves d'une dizaine d'années sont sélectionnés par des écoles et devront, pour réussir, obéir à leurs professeurs. On leur apprend, en plus des pas, à se plier aux exigences, et ce sera attendu d'eux toute leur carrière.
Un peu comme les citoyens qui apprenaient à se plier et aimer le communisme dès leur plus jeune âge, à ne pas le remettre en question, et à obéir à l'autorité.
Le pouvoir
Les personnes aux hauts postes, au sommet de la hiérarchie, sont pratiquement intouchables, et peuvent décider du sort de n'importe qui en bas qui n'est pas protégé. Bien évidemment, un danseur ne risque pas la prison ou l’exécution si son comportement n'est pas exemplaire, mais il peut s'attendre à se faire retirer un rôle à la moindre erreur, par exemple. La pression, voire la peur des gens surveillés par les polices secrètes à la recherche des écarts, me rappellent à un moindre niveau ce que subissent les danseurs pour les inciter à bien performer.
La symétrie
À l'image des blocs brutalistes, tous semblables, les danseurs du corps de ballet doivent bouger comme un seul être, parfaitement coordonnés. Rien ne doit attirer l'attention, tout doit être conforme.
Le bloc 21, magnifique représentation de l'architecture brutaliste à Belgrade, Serbie |
Bloc à Bucarest, Roumanie |
Corps de ballet, Lac des cygnes |
Je dois être l'une des rares personnes à être subjuguée par la beauté de l'architecture brutaliste :), tout comme j'adore regarder un ballet où les mouvements symétriques suggèrent une représentation visuelle.
La camaraderie
L'un des seuls points positifs de l'époque communiste, que les gens regrettent, est l'entraide, le sentiment d'appartenance à un groupe, le sens de la communauté. Les gens se serrent les coudes pour traverser ensemble les épreuves, et c'est heureusement quelque chose qui est très présent, essentiel dans une compagnie
Les gens choisissent d'être danseurs, alors que les gens qui sont nés dans le communisme l'ont subi. C'est notre passion qui nous garde dans ce monde, pas un mur ou des barreaux. Nous ne risquons pas notre vie, nous la dédions volontairement, toutefois pas sans beaucoup de sacrifices. Mais je sens que nous sommes dans un monde à part aux règles différentes, comme l'ont été les gens derrière le Rideau de fer. Je ne connais pas vraiment la réalité des compagnies de danse dans d'autres coins du monde, mais de ce que j'en sais, ce n'est pas la même situation qu'ici, et c'est ce qui me fait penser que le communisme a laissé des traces jusque dans le domaine de la danse dans les pays anciennement communistes.
Pour finir, c'est un peu hors sujet, mais je vous mets ici une vidéo d'un projet de danse chorégraphié et interprété par des danseurs de la compagnie. Je n'y suis pas, mais j'ai participé derrière la caméra. Regardez jusqu'à la fin! C'est une bonne démonstration de la bonne ambiance qui règne entre danseurs!
Bravo, toujours intéressante. Beau moment avant d’aller travailler. Bien le bonjour.
RépondreSupprimerMerci!! Bonne journée!
SupprimerJe me répète encore très interessant ton parallèle avec la danse. Connaître et comprendre comment les gens ont
RépondreSupprimervécu le communisme, les traces laissées et l’évolution positive pour les nouvelles générations c’est effectivement un sujet très intéressant et enrichissant pour toi pi nous autres.
Merci
Bonne journée
Toujours important de finir sur du positif!
SupprimerCOMMENTAIRE DE LISETTE BAZINET
RépondreSupprimerAlors, me voici pour te dire que ton texte sur le communisme est très pertinent et sans que tu sois une spécialiste, tu as fréquenté quelques pays marqués par ce régime en plus de ta documentation personnelle. Tu peux alors en avoir une opinion et la partager.
J’ai beaucoup aimé voir un extrait du Lac des cygnes, Simplicity, en vêtements contemporains et sans chaussons à pointes. Ça devrait se faire plus souvent à mon avis! Et voir le nom de la photographe au générique, c’est mérité parce que bien fait. Bravo!
Lisette
Je viens de comprendre ce qui te passionne du brutalisme. C'est émouvant... Ta comparaison est émouvante. Ton intérêt pour la vie des gens au temps du communisme est une belle démonstration de compassion. Le lien avec la cie de ballet est vraiment intéressant. PAPA XXX
RépondreSupprimerMais j'avoue que c'est toi qui l'a mis en mots en premier, quand on est allé voir Giselle! C'est clairement pour ça que pour moi le ballet et l'Europe de l'Est sont indissociables, et pourquoi je me passionne autant pour les deux!
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